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Libertango

Libertango est le roman le plus envoûtant de Frédérique Deghelt. Un livre d'allégresse qui génère et convoque l'émotion du beau, cette émotion qui porte Luis et le sauve.

Luis Nilta-Bergo est né en 1935, en Espagne, dans une famille qui le rejette en raison d’un léger handicap. Son bras gauche se soulève difficilement, sa démarche est chaotique, son élocution lente et difficile. Son père émigre en 36 à Paris où, en dépit des sarcasmes de ses camarades, l’apprentissage de la lecture libère Luis du poids de l’hostilité ouverte de ses parents qui le méprisent. Durant la guerre, tout le monde descend aux abris en abandonnant le « fils dégénéré » dans l’appartement. Pour conjurer sa peur, il écoute des concerts symphoniques sur son poste de radio et découvre alors l’univers magique qui va devenir sa raison d’être.

A 21 ans, désespéré par ses échecs professionnels répétés, il quitte la maison. Par hasard, il va faire la rencontre d’un artiste dont la musique inconnue le bouleverse : Astor Piazzolla. Cet homme généreux l’introduira auprès des jazzmen les plus réputés de l’époque qui l’adopteront et le traiteront comme l’un des leurs. Ils vont l’aider à trouver des petits boulots à mi-temps pour survivre et lui permettre d’apprendre le solfège et la direction d’orchestre au conservatoire. Il doit se battre, au quotidien, contre des douleurs physiques permanentes, mais il est habité par une volonté féroce de réussir, non pas malgré, mais grâce à son handicap.

Ce récit ne suit pas l’ordre chronologique. Luis égrène ses souvenirs, à 80 ans, à la fin d’une carrière éblouissante. Il est face à la caméra de Léa, une journaliste qui veut faire sur lui, un film et un livre. Simultanément la jeune femme nous livre les remarques et les doutes qui accompagnent l’avancée de son travail.

Il raconte humblement ses longues années d’humiliation et de combat forcené contre les cabales dont il fut victime dans ce milieu élitiste de la « grande musique « où les musiciens refusaient d’obéir à un Maestro handicapé. Encouragé et conseillé par les plus grands Chefs d’après-guerre qui détectèrent immédiatement en lui un homme hors du commun, son immense talent et sa ténacité seront enfin reconnus dans le monde entier. Tous les musiciens qui eurent le privilège de jouer sous sa direction furent unanimes à lui reconnaître ce don mystérieux de réinterpréter les partitions les plus rabâchées en mettant en lumière de fines nuances négligées.

De très belles pages émouvantes sur la création d’un « orchestre du monde » avec lequel il se produira dans les endroits les plus improbables comme les bidons ville, les villes massacrées par la guerre, les camps de réfugiés qui ont tout perdu, jusqu’au goût de faire de la musique. Des centaines de pauvres gens dans tous les pays, accourent pour les écouter jouer au milieu des décombres. Et puis, timidement osent sortir leurs instruments traditionnels pour se mêler à ces concerts insolites et partager un moment de paix et de poésie dans la tourmente.

Jusqu’au jour fatal où l’orchestre entier, ainsi que la propre femme de Luis périront dans un bombardement imprévisible. Il sera le seul survivant et en portera la culpabilité durant des années, avant de reprendre la direction d’orchestre.
L’auteure, par l’intermédiaire de son personnage, présente une analyse de la musique, stupéfiante de vérité et de beauté. Ainsi qu’une réflexion profonde sur le sens de chaque geste du Maestro qui, avant l’avènement des gros plans de la télévision ne devait jamais oublier que le public ne le voyait que de dos. Un vrai régal pour les passionnés. Peut-être un peu fastidieux pour les autres.

Ce personnage de fiction, créé par la magie de la plume de F. Deghelt, est si magistralement mis en scène qu’on doute parfois qu’il ne soit pas le portrait d’un véritable musicien. Un vibrant hommage au pouvoir de résilience de la musique, langage universel perceptible bien au-delà des mots.

Commentaire par CLAUDINE

Luis est né en 1935. D'origine espagnole, il vit à Paris avec ses parents et ses sœurs. Handicapé, il grandit, l'oreille collée au transistor, en découvrant l'enlacement des arpèges, la beauté des concertos, cantates et symphonies. La musique devient son unique refuge. À vingt et un an, seul sur les bords de la Seine, Luis est soudain bouleversé par le son d'un bandonéon. Désormais, plus rien ne sera comme avant.   Résumé du livre, ETF

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