728 x 90

Le fils de Jean Jacques

Celui qui ne peut remplir ses devoirs de père n’a point le droit de le devenir. Il n’y a ni pauvreté, ni travaux, ni respect humain qui le dispensent de nourrir ses enfants et de les élever lui-même. (Emile, Livre I)

Tout le monde sait que Rousseau a abandonné ses cinq enfants en les déposant aux Enfants Trouvés. Isabelle Marsay imagine la vie du fils aîné en s’appuyant sur une documentation précise de l’époque.

On se doute que ce nourrisson rejeté n’aura pas une existence facile car il subit le sort habituel de ces enfants. Baptiste est d’abord emmené à la campagne par une nourrice sans coeur qui fait ce travail pour gagner quelques sous et chez qui il manque de mourir. Le curé, pris de pitié, le dépose chez Jeanne, une brave femme qui vient de perdre son fils. La famille de Jeanne survit dans la misère, comme tous les petits paysans de l’époque, jusqu’au jour où meurt le mari, écrasé par le travail.

Toujours grâce au curé, Jeanne se remarie avec un veuf, homme au grand coeur, qui est guérisseur et soigne par les plantes et les éléments de médecine qu’il connaît. Quand Baptiste a treize ans, il l’initie à sa science et l’emmène de village en village, là ou il est appelé. Hélas le malheur s’abat sur la famille et le jeune adopté se sacrifie à l’âge de dix-sept ans pour les sauver, il s’engage dans la milice pour remplacer le neveu de son père, qui a tiré le mauvais numéro en tant que conscrit. La dernière image que nous avons de lui, c’est celle d’un soldat qui prend la mer pour aller combattre en Louisiane ; or on sait que les enfants trouvés étaient toujours en première ligne…

L’intention première de la romancière est sans doute de nous faire réfléchir sur la personnalité de Rousseau. Tout au long de la fiction, elle insère des passages de son oeuvre, de L’Emile, traité d’éducation où il décrit le rôle d’un bon père et des Confessions, où il revient sur sa conduite. Au livre VIII, il déclare « je voudrais avoir été élevé et nourri comme ils l’ont été » L’auteur cite sans prendre parti et nous laisse juger.

Mais l’autre intérêt de ce roman, c’est de décrire la misère noire qui règne dans les campagnes pendant ce siècle des Lumières. Famines, maladies, décès précoces. Le nombre d’enfants abandonnés en témoigne, plus de trois mille en 1746, une trentaine de nourrissons déposés chaque jour à l’hospice en hiver et cela en toute légalité, avec l’accord du roi, qu’ils serviront plus tard.
Ce livre est facile à lire mais sensible et intéressant.

Commentaire par MALU

Un jour de novembre 1746, une sage-femme dépose à l'hospice des Enfants-trouvés du parvis Notre-Dame un nourrisson âgé de deux jours. Il est le fils d'un dénommé Jean-Jacques qui se pique d'écrire des opéras, des essais et qui fréquente des philosophes. Tandis que l'enfant, Baptiste, est envoyé en nourrice à la campagne, son père écrit le Discours sur les Sciences et les Arts qui lui vaudra le premier prix de l'Académie de Dijon et lui permettra, lui le provincial, de conquérir la capitale. Malmené, passant de famille en famille, Baptiste finira toutefois par trouver un foyer, des parents adoptifs ainsi que des frères et soeurs qui seront sa famille. Il grandit dans cette France rurale, dure et simple, de Louis XV le Bien Aimé. L'abandon d'enfant, à cette époque, est pratique courante plus qu'affaire de circonstance. Et ledit Jean-Jacques abandonnera, successivement quatre bébés dont il n'a cure. Pourtant, Baptiste, son aîné, restera sa mauvaise conscience. Et, au soir de sa vie, il tentera, en vain, d'en retrouver la trace.   Résumé du livre, ETF
>