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Chien 51

Chien 51 est une troublante dystopie, un fabuleux polar d'anticipation

En général, ceux qui ont découvert Laurent Gaudé avec La mort du roi Tsongor, sont devenus ses fidèles lecteurs, passionnés par la variété de ses romans. Celui-ci est le dernier, paru cette année. Il s’agit d’une enquête policière dans un monde futuriste.

Il y a 20 ans, Zem Sparak a fui la Grèce lorsqu’elle a été rachetée par le consortium GoldTex, après une faillite totale. Il vit à Magnopole, immense cité divisée en trois zones séparées par des check-points très surveillées. Lui a choisi la zone 3, la zone des bas-fonds, sordide et violente. On lui a attribué le poste de policier de première classe, c’est-à-dire qu’il est un chien qui doit « creuser, fouiller, chercher ».
Or un jour on découvre un cadavre ouvert de la gorge au nombril et il jure d’arrêter le coupable. Mais on lui annonce qu’il est verrouillé, obligé de travailler en tandem avec un pilote, maître-chien de la zone 2. Il s’avère que ce supérieur est une femme, Salia Malberg, bosseuse et ambitieuse.
Au départ ils se méfient l’un de l’autre puis arrivent à mener cette enquête qui devient de plus en plus complexe. Ils comprennent que des pouvoirs politiques sont mêlés à ce crime et que l’enjeu principal concerne les greffes Eternytox, capables de faire vivre les fins de vie sans les maladies de la vieillesse.

L’énigme sera résolue de façon inattendue et très pessimiste. On peut dire que Laurent Gaudé se défend très bien en maître du suspense et du roman policier.

Mais ce qui fait l’originalité de ce « thriller », c’est qu’il se passe dans un monde d’anticipation pas très éloigné du nôtre, et qu’il est l’occasion de dénoncer les maux de notre société. Les inégalités sociales sont craintes. Les privilégiés vivent sous un dôme climatique qui les met à l’abri des pluies jaunes et grasses et des tempêtes ravageuses. Les luttes politiques se déchainent sans merci au moment des élections.
Ces problèmes sont vécus par un héros attachant, désespéré par la noirceur de cette vie sans espoir. Régulièrement il a besoin de pilules Okios qui le replongent dans le ravissement des images d’Athènes. Le récit est fait d’allers-retours entre un passé rêvé et un présent effroyable. Zem reste humain et sensible, nous faisant prendre conscience des menaces qui pèsent sur notre monde. Grâce à son talent, à son style à la fois puissant et fluide, Laurent Gaudé nous saisit par une vision vivante et dramatique.
« C’est votre monde qui déborde et se cabre. C’est votre monstruosité qui vous entoure et vous fouette le visage » dit un personnage encore lucide.

Commentaire par MALU

Autrefois, Zem Sparak fut, dans sa Grèce natale, un étudiant engagé, un militant de la liberté. Mais le pays, en faillite, a fini par être vendu au plus offrant, malgré l’insurrection. Et dans le sang de la répression massive qui s’est abattue sur le peuple révolté, Zem Sparak, fidèle à la promesse de toujours faire passer la vie avant la politique, a trahi. Au prix de sa honte et d’un adieu à sa nation, il s’est engagé comme supplétif à la sécurité dans la mégalopole du futur. Désormais il y est “chien” – c’est-à- dire flic – et il opère dans la zone 3, la plus misérable, la plus polluée de cette Cité régie par GoldTex, fleuron d’un post- libéralisme hyperconnecté et coercitif. Mais au détour d’une enquête le passé va venir à sa rencontre.   Résumé du livre, ETF
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