Miguel Bonnefoy nous emporte dans cette saga familiale avec la passion des conteurs au talent certain, qui maîtrisent leur récit de bout en bout.
Ceux qui aiment la littérature sud- américaine et gardent un souvenir inoubliable de CENT ANS DE SOLITUDE de Garcia Marquez, vont trouver beaucoup de plaisir à lire ce roman qui se situe au Chili.
A la fin du dix-neuvième siècle, un vigneron ruiné par le phylloxéra, quitte son Jura natal avec un pied de vigne dans une poche. A son arrivée, le nom de Lons- le-Saunier est déformé en Lonsonier et on lui attribue ce patronyme. Il s’enrichit très vite et par le plus grand des hasards épouse une française. Le couple s’installe à Santiago dans une grande maison où ils ont trois garçons.
Comme ils sont élevés dans le culte de la France, au moment de la guerre de 1914, les trois fils n’hésitent pas à prendre le bateau pour s’engager dans les troupes françaises et découvrent les dures réalités des combats. Seul Lazare revient vivant, marqué dans son corps et son âme. Son mariage avec Thérèse, femme fantasque, passionnée d’oiseaux, qui fait installer une immense volière dans la maison, lui redonne goût à la vie.
L’histoire de la descendance se poursuit, chaque chapitre étant consacré à un personnage. Margot, peut-être inspirée par les oiseaux de sa mère et des récits de lévitation, devient un pilote hors pair et combat elle aussi contre les Allemands lors de la seconde guerre mondiale. Pendant ce temps, la fortune de son père prospère grâce à la fabrication d’hosties.
On le comprend, tout est original dans ce roman flamboyant, aux personnages pittoresques, qui vivent des aventures rocambolesques. Le ton devient moins léger lorsqu’on aborde l’histoire moderne avec le fils de Margot, Ilario Da. Comme il soutient le régime du Président Allende, il est arrêté par la junte militaire et subit les pires tortures. Il ne doit son salut qu’en s’enfuyant pour la France avec un groupe de résistants comme lui. Mais on sait qu’il reviendra dans ce Chili qui a été une terre d’exil pour le premier Lonsonier et tous les siens.
Miguel Bonnefoix, né d’un père chilien, d’une mère vénézuélienne mais éduqué dans la langue française, nous raconte le destin de ces générations courageuses avec une imagination foisonnante, dans un style exubérant. Les personnages, les intrigues romanesques, la fantaisie nous dépaysent complètement. Le roman nous rappelle aussi qu’à certaines époques, la France a eu des émigrés heureux de trouver des pays d’accueil pour recommencer une nouvelle vie, et transmettre un riche héritage à leurs descendants.
Commentaire par MALU
Un Jurassien émigré au Chili, un fou de musique, le fondateur d’une fabrique d’hosties, une femme éleveuse d’oiseaux rapaces, une autre pilote d’avions de guerre, une victime du putsch de 1973, un retour aux sources, et même un spectre amoureux… Héritage réussit le tour de force, en 208 pages, de peindre et de sculpter, en couleurs, en relief, en parfums et en sons, une fresque familiale couvrant un siècle d’histoire.
