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La centrale

Cette Centrale fascine et effraie, attire et révulse, mais sa puissance est multiple et implacable.

Au cœur du réacteur
Dans un premier roman surprenant, Élisabeth Filhol décrit le quotidien d’ouvriers intérimaires dans le nucléaire. Une vie calquée sur le rythme des centrales, entre danger, solitude et précarité.
Vivant au rythme des embauches saisonnières et des trois-huit quotidiens, faisant le sale boulot pour de maigres salaires, côtoyant en permanence le risque et la précarité,
ils sont plusieurs milliers à sillonner la France ou les pays limitrophes en quête d’un nouveau contrat. Une seule obsession : « la gestion de la dose », comprendre « vingt millisieverts », la quantité maximale de radiations supportable par homme et par an.
Ils avancent. Par cercles concentriques de diamètre décroissant. Le premier cercle, le deuxième cercle… Le dernier cercle. Derrière les grilles et l’enceinte en béton du bâtiment réacteur, le point P à atteindre, rendu inaccessible pour des raisons de sécurité.

Ils sont soudeurs, robinetiers, mécaniciens, électriciens ou ouvriers non qualifiés. Ils vivent le plus souvent entre camarades dans des caravanes, mais aussi parfois en famille. Ils se déplacent de site en site (la France compte dix-neuf centrales), au gré des « arrêts de tranche », ces interruptions régulières du fonctionnement des réacteurs, pour permettre l’accès aux zones normalement confinées, le remplacement du combustible usé, les inspections de contrôle et les travaux de maintenance. « Quels sont vos projets ? Je lui dis, en avril le Blayais, et en mai Tricastin. »

Élisabeth Filhol a choisi ces hommes (les femmes sont plus rares à suivre le même itinéraire) pour sujet de son étonnant premier livre. À travers le regard d’un jeune ouvrier et grâce au récit de ses souvenirs, elle va décrire de l’intérieur l’univers de « la centrale » (nom qu’on donne ailleurs aux centres de rétention). Un véritable corps vivant, avec sa présence massive, fascinante et effrayante, ses niveaux de sécurité, son jargon professionnel, ses codes… Le personnage, dont le meilleur ami, Loïc, a jeté l’éponge un an plus tôt, vient d’être victime d’un incident. Il attend le diagnostic ; pour lui, le couperet est-il plutôt celui de la santé ou de l’arrêt de travail forcé ?

Roman social, La Centrale captive et interpelle, traversée de bout en bout par une tension difficile à apaiser, telle une cocotte-minute au bord de l’explosion. Au-delà des questions de la gestion industrielle de l’énergie nucléaire, de l’écologie, de la réduction toujours plus grande des coûts, la grande pertinence du projet d’Elisabeth Filhol est de chercher à comprendre non seulement le fonctionnement propre de cet univers méconnu, mais aussi le sens de ces choix difficiles et risqués.

Commentaire par LAURENT

Quelques missions ponctuelles pour des travaux routiniers d'entretien, mais surtout, une fois par an, à l'arrêt de tranche, les grandes manoeuvres, le raz-de-marée humain. De partout, de toutes les frontières de l'hexagone, et même des pays limitrophes, de Belgique, de Suisse ou d'Espagne, les ouvriers affluent. Comme à rebours de la propagation d'une onde, ils avancent. Par cercles concentriques de diamètre décroissant. Le premier cercle, le deuxième cercle... Le dernier cercle. Derrière les grilles et l'enceinte en béton du bâtiment réacteur, le point P à atteindre, rendu inaccessible pour des raisons de sécurité, dans la pratique un contrat de travail suffit. Ce contrat, Loïc l'a décroché par l'ANPE de Lorient, et je n'ai pas tardé à suivre.   Résumé du livre, ETF
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