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La famille

Un livre original par sa forme. il s'agit au premier chef d'une enquête journalistique, mais aussi d'un journal d'enquête.

Dans ce coin du XXe arrondissement de Paris, on les remarque sans les connaître. Ils portent les mêmes noms, ne se mêlent pas aux autres. Au café, à l’école, Suzanne entend des rumeurs sur ces troublants « cousins ». Alors elle cherche, interroge. Et peu à peu, les pièces du puzzle s’ajustent pour former un tableau sidérant.

Depuis 1892, huit familles ont décidé d’unir leur destin pour n’en former qu’une, soudée par la religion, le secret et des règles de vie strictes. Entre eux, ils se nomment « la Famille ». Dans cette communauté qui rassemble plusieurs milliers de personnes, on habite les mêmes immeubles, on s’épouse entre soi. Les règles y sont nombreuses, les vies toutes tracées. Il y a aussi les fêtes, la solidarité. Ceux qui veulent s’affranchir sont contraints de partir.

La journaliste Suzanne Privat signe pour les éditions Les Avrils "La Famille", une enquête sur la très discrète communauté religieuse du même nom qui vit dans l’Est parisien depuis le XIXe siècle.
Ils anticipent la fin du monde dans l’attente d’être les élus de Dieu, et de monter à ses côtés pour régner sur la Terre.

Le monde extérieur est accusé de tous les péchés : "Ils nous reprochent de vivre de manière libre, de pêcher. Ils tiennent à leur pureté. Et n’ont pas envie d’être « contaminés » par nos pratiques".
"Leurs règles de vie étaient très strictes il y a encore une cinquantaine d’années ; elles ont tendance à se ramollir. Ils vivent comme nous. Les enfants vont à l’école pour 90% d’entre eux. Ils ont des professions. Ils participent à la société mais s’en tiennent au strict nécessaire. Par exemple, les enfants, s’ils vont à l’école, ne vont pas en classe verte, ne participent pas aux sorties scolaires, ne vont pas systématiquement à la cantine et, dans la mesure du possible, se tiennent à l’écart de leurs camarades."
Et puis des mariages très jeunes, vierges, entre cousins : "Ils sont strictement endogamiques depuis 1892, donc la consanguinité est un fait. Il y a des pathologies qui sont extrêmement répandues dans La Famille, et qui n’existent pratiquement que chez eux ou dans d’autres groupes consanguins dans le monde. "

"S’ils ne respectent pas les règles fondamentales, c’est à dire s’ils se marient en dehors de la communauté, là, ils doivent partir." Malgré les menaces et les bannissements, certains adeptes ont osé quitter cette communauté. Ce sont eux que Suzanne Privat a rencontré. "Ils parlent librement, mais ils sont marqués par leur expérience".

"Ils racontent une enfance sous contrainte - c’est surtout au niveau de l’enfance que ça se passe, parce que l’éducation religieuse peut être très stricte. On doit recopier ses prières, on doit s’astreindre à réciter des prières qui sont parfois assez doloristes : le Dieu que l’on vénère n’est pas un Dieu particulièrement sympathique".
Et ils racontent un prophète, Elie Bonjour : "c’est un enfant messie, qui était le fils d’un prêtre convulsionnaire qui avait des pratiques un peu extrêmes puisqu’il crucifiait des femmes dans son église. L’enfant a été décrété messie par son père, et lui-même n’hésitait pas à torturer des petites filles quand il était enfant. Se sont agrégés autour de lui les premiers membres de la famille qui l’ont vénéré. Son nom est encore cité dans les prières et on célèbre encore son anniversaire".

La Miviludes (la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires) est alertée de l’existence de la communauté depuis sept à huit ans. Elle est attentive. Elle voit effectivement que chez les enfants, la pression est forte. Mais à bien d’autres égards, la communauté ne répond pas à la définition officieuse des sectes, c’est à dire un trouble à l’ordre public et une présence d’une autorité centrale".

Commentaire par LAURENT

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