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QUAND TU ÉCOUTERAS CETTE CHANSON.

Au cours d’une nuit passée au musée Anne-Frank, Lola Lafon fait résonner la voix de l’adolescente fauchée par l’histoire avec les fantômes de son propre passé. Bouleversant.

Après plusieurs écrivains, Lola Lafon a accepté de passer la nuit dans un musée pour écrire un livre par la suite. Elle a choisi le Musée Anne Frank à Amsterdam .Comme elle le dit « une jeune fille que le monde connaît tant qu’il n’en sait pas grand-chose ». De même pour son journal, quels souvenirs en avons-nous gardés ?

Lire ce livre, c’est donc se remémorer avec l’écrivaine le destin de cette jeune fille juive enfermée deux ans avec huit personnes, lorsqu’elle avait treize ans, pour échapper à la déportation. C’est se rappeler les difficultés de ce confinement dans des pièces exiguës, qui les obligeait au silence absolu tant que les employés de son père travaillaient dans les bureaux en dessous d’eux. C’est se rappeler comment elle devait lutter pour écrire son journal sur un bout de table, comment, assoiffée de lecture, elle lisait tout ce qui était à sa portée. C’est se rappeler aussi le courage et le dévouement des employés qui les ont aidés. C’est grâce à la secrétaire que le journal fut sauvé.
L’idée que veut défendre Lola Lafon, c’est que ce journal est plus qu’un témoignage, qu’un testament. C’est avant tout l’œuvre d’une écrivaine précoce. Anne voulait être publiée et avait corrigé son texte dans ce but. « Est- elle enfin prise au sérieux comme autrice, celle qui fait l’objet d’un culte ? »

Pourtant, avant de partir pour la Hollande, même si elle se sent liée au sort de cette victime innocente, Lola Lafon ne se sent pas légitime. Elle- même est juive, issue d’une famille d’Europe de l’Ouest en partie décimée (sa mère a dû elle aussi être cachée pour survivre) mais, arrivée en France, elle a voulu oublier toute l’histoire de ses origines pour s’assimiler et vivre normalement. « J’ai tourné le dos à l’abîme »
Or, une fois qu’elle est à l’intérieur de l’Annexe, en montant et en descendant plusieurs fois les escaliers, elle ne peut s’empêcher d’affronter son passé et d’évoquer les membres de sa famille, ceux qu’elle a quittés, ceux qui sont morts tragiquement.
Et il lui faut attendre le petit matin pour oser enfin entrer dans la chambre d’Anne Frank.
C’est là, dans ce vide habité, qu’elle a le courage d’imaginer la fin d’un ami de quinze ans qu’elle a connu dans son enfance , qu’elle n’a jamais oublié et qui lui aussi a été victime d’une autre barbarie.

Ce livre est passionnant et bouleversant. A travers cette expérience éprouvante, l’écrivaine va à la rencontre d’elle-même, en réfléchissant sur son travail d’écriture et sur l’importance de laisser des traces. « Quand tu écouteras cette chanson, tu penseras à moi », lui a écrit son ami. Nous, après la lecture de cet ouvrage, nous penserons autrement au journal d’Anne Frank et n’oublierons pas avec quels mots émouvants et justes Lola Lafon a tracé un portrait sensible de cette adolescente pleine de vie, que l’histoire a privé de futur.

Commentaire par MALU

Le 18 août 2021, j'ai passé la nuit au Musée Anne Frank, dans l'Annexe. Anne Frank, que tout le monde connaît tellement qu'il n'en sait pas grand-chose. Comment l'appeler, son célèbre journal, que tous les écoliers ont lu et dont aucun adulte ne se souvient vraiment? Est-ce un témoignage, un testament, une œuvre? Celle d'une jeune fille, qui n'aura pour tout voyage qu'un escalier à monter et à descendre, moins d'une quarantaine de mètres carrés à arpenter, sept cent soixante jours durant. La nuit, je l'imaginais semblable à un recueillement, à un silence. J'imaginais la nuit propice à accueillir l'absence d'Anne Frank. Mais je me suis trompée. La nuit s'est habitée, éclairée de reflets; au cœur de l'Annexe, une urgence se tenait tapie encore, à retrouver.   Résumé du livre, ETF
Lola LAFON
ECRIVAIN
BIO
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