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La panthère des neiges

"- Tesson ! Je poursuis une bête depuis six ans, dit Munier. Elle se cache sur les plateaux du Tibet. J'y retourne cet hiver, je t'emmène. -Qui est-ce ? -La panthère des neiges. Une ombre magnifique ! -Je pensais qu'elle avait disparue, dis-je. -C'est ce qu'elle fait croire."

L’auteur, dont on connaît le goût pour les contrées sauvages, nous entraîne à nouveau dans une randonnée de “l’extrême“. Le photographe animalier Vincent Munier lui proposa de le suivre dans sa quête de cet animal, devenu mythique qu’il poursuivait depuis 6 ans, alors que les hommes avaient programmé son extinction. Sa fiancée, Marie, cinéaste animalière, et Léo qui se chargerait de l’intendance, viendraient compléter l’équipe que Sylvain baptisa aussitôt : « la bande des quatre ». Il n’hésita pas longtemps, séduit par la perspective, enivrante à ses yeux, d’affronter les hauts sommets du Tibet (entre 4 et 5000 mètres par -35°.)

Munier l’initie à la toute première des règles d’or qui régissent la vie des photographes animaliers : l’affut. Allongé sur le sol dur et glacé, l’œil rivé à l’objectif, se camoufler dans la nature pour attendre une bête dont rien ne garantit la venue. Tellement immobiles que les animaux vous ignorent, durant des heures, de jour ou de nuit, dans le silence absolu, le froid destructeur, les crampes de tous les muscles, l’essoufflement perpétuel. Ne pas fumer, ni éternuer. Réprimer l’envie de se dresser pour admirer, les paysages sublimes, les chèvres bleues, les ânes sauvages, le lynx, les renards, les aigles, les yaks et les loups.

Ne jamais relâcher son attention, la sienne s’émoussait très vite et pour tromper ces attentes insoutenables, il se laissait aller à de longues méditations sur le vivant, depuis les origines du monde, quand les animaux étaient les maîtres absolus de cette terre inviolée, jusqu’à nos jours. Il passait aussi en revue leurs diverses représentations dans l’art, depuis l’Antiquité. Il se mit à comparer nos modes de vie aberrants : stress permanent, course illusoire au « toujours plus de tout », prêt à penser imposé par les réseaux sociaux, avec l’existence paisible des troupeaux de yaks. Leur destin est inéluctable, tout tracé : brouter, le col baissé sur les pâturages, ils ne voient rien venir. Le loup, lui, l’a compris depuis longtemps et c’est à ce moment précis qu’il les attaque.

Une famille d’éleveurs nomades, leur offrirent l’hospitalité dans leur campement d’hiver : une de leurs trois baraques en torchis, au confort plus que sommaire. Dès l’aube, leurs 3 enfants emmènent 2OO yaks vers de maigres pâtures, passent la journée à les surveiller dans les rafales de vent furieux par -20° et les ramènent le soir à l’enclos. Ils savent accepter ces contraintes naturelles, sans s’apitoyer, comme nous, sur ces « tueries sanguinaires » perpétrées la nuit, car pour eux, cette mort- là « n’est qu’un repas ». Ils ignorent tout de nos civilisations absurdes, aiment et respectent cet environnement dur et ingrat où ils sont nés.

Enfin, après deux jours d’affût exténuant, ELLE leur apparaît, en majesté. Ils commencent par ne pas croire ce qu’ils voient, tant le spectacle semble irréel. D’abord fugace, elle disparaît, revient, se roule au soleil, les regarde pour les défier. Elle se sait invulnérable, inaccessible, royale, d’une beauté absolue qui lui vient de la nuit-des temps. L’auteur sait qu’il n’oubliera jamais cet instant qui l’a transcendé pour toujours.
Porté par un style flamboyant, mitigé de calembours et de jeux de mots constants d’auto dérision, ce récit bouleversant est un véritable poème à la gloire de cette nature grandiose encore intacte. Pour combien de temps ? Déjà, dans le delta du Mékong, patrie du Taoïsme, ils voient les bulldozers éventrer la montagne pour se frayer un chemin vers ce paradis, perdu à brève échéance.

Commentaire par CLAUDINE

Un fabuleux témoignage sur ces immensités sauvages encore préservées mais pour combien de temps ?   Résumé du livre, ETF
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