728 x 90

L’île des chasseurs d’oiseaux

Savez-vous ce qu’est un « guga » ? Non ? Moi non plus avant d’avoir lu passionnément ce roman policier hors-norme, bâti à la fois sur le mode mystérieux - qui a tué ? - et sur la biographie, celle du héros de ce livre, Fin MacLeod.

Ce dernier est originaire de l’île Lewis, la plus grande des îles Shetland, au nord-ouest de l’Ecosse. C’est dire à la fois toute la beauté des paysages lugubres que l’on y trouve, magnifiée par la plume de Peter May, en harmonie avec l’état d’esprit de Fin MacLeod qui, au moment où nous entrons dans sa vie, est endeuillé par la mort récente de son fils.

Il fait partie de la police de Glasgow et enquête sur un meurtre spectaculaire commis à Edimbourg ; un autre crime atroce, avec la même mise en scène, a eu lieu à Stornoway, port principal de l’île, et on fait appel à Fin afin d’établir s’il y a ou non un lien avec celui d’Edimbourg. Il doit donc retourner sur les lieux de son enfance, alors qu’il s’était juré de ne plus y revenir : c’est le début d’un formidable retour en arrière, qui nous transporte, lecteur, dix-huit ans auparavant, tout en restant dans l’instant présent.

Le style de l’auteur facilite ces nombreux allers-retours temporels car, dès que l’on pénètre dans les périodes de l’enfance de Fin, tout est écrit à la première personne, et hop, de retour à aujourd’hui, on reprend la narration à la troisième personne.

Je n’ai pas oublié les « gugas », j’y viens ! Le centre du récit est occupé par une magnifique évocation d’une tradition ancestrale, très réglementée de nos jours, la chasse aux fameux « gugas », qui sont des bébés-fous de Bassan, ces magnifiques mouettes de très grande envergure dont un des plus importants lieux de nidification est le rocher d’An Sgeir (le vrai s’appelle Sula Sgeir), à quelques kilomètres au nord de l’île Lewis.
C’est sur cet rocher inhabité, sauvage et extrêmement dangereux, où une douzaine de chasseurs locaux vont chercher les « gugas » chaque année pour leur chair unique « avec une saveur qui se situait plutôt entre le steak et le hareng fumé », que commence et se termine notre récit. Rite de passage et sanctuaire de secrets enfouis dans la mémoire de Fin. Que s’est-il passé sur ce rocher il y a dix huit ans et qui ressurgit aujourd’hui ?

Le récit nous fait découvrir petit à petit, par touches éparses mais liées entre elles, ravivant des plaies anciennes et en créant de nouvelles, la rigueur du climat et celle des hommes et femmes de l’île, les peines et joies de l’enfance passée, la douleur d’aujourd’hui et les souvenirs terrifiants remontant à la surface de la mémoire de notre personnage principal.

En réalité, l’intrigue policière n’est pas l’essentiel du livre, mais la violence sous-jacente est présente, à travers les regards, les mots, les bagarres quelques peu avinées et les amours perdues.

Ce livre est une très belle découverte, à la fois de l’île Lewis, lieu probablement très peu connu, de la langue gaélique, de traditions encore très vivaces comme cette chasse quelque peu mythique, de moeurs encore rudes, pour ne pas dire sauvages et d’une beauté insoupçonnée.

Fausses pistes, dialogues à double sens, scènes glaçantes, Peter May tient le lecteur en haleine jusqu’à la dernière page. A déguster sans modération.

Commentaire par Marc Valleteau de Moulliac

Marqué par la mort récente de son fils unique, l'inspecteur Fin Macleod est envoyé sur son île natale de Lewis car un meurtre vient d'y être commis selon la même mise en scène que celui sur lequel il enquête à Édimbourg. La tempétueuse île de Lewis, au Nord de l'Écosse, semble sortie d'un autre temps : on se chauffe à la tourbe, on pratique le sabbat chrétien, on parle la langue gaélique. D'autres traditions particulières y perdurent, comme cette expédition organisée chaque été, qui conduit un groupe d'hommes sur l'îlot rocheux inhospitalier d'An Sgeir où ils tuent des milliers d'oiseaux nicheurs destinés à la consommation. Dix-huit ans auparavant, Fin a participé à ce périlleux voyage initiatique. li a ensuite quitté l'île et n'y est jamais revenu. Retourner là-bas, c'est retrouver un ami d'enfance, un premier amour, quelques camarades d'école de sinistre mémoire ; c'est surtout prendre le risque de laisser surgir les souvenirs, de découvrir à quel point on n'a rien oublié ... Un roman sombre et tourmenté, au suspense inexorable, plongé dans une atmosphère brumeuse qui doit autant aux décors naturels qu'à l'âme des personnages.   Résumé du livre, ETF
Peter MAY
ECRIVAIN
BIO
>