728 x 90

Du temps qu’on existait

Ouvrage littéraire, ou récit aux multiples facettes ? Ce livre est inclassable.

Vainqueur en 2011 du prix du premier roman ainsi que du prix de flore, » Du temps qu’on existait » est un roman ambitieux qui privilégie davantage la forme que le fond. Prenant parfois l’air d’un long exercice de style littéraire, le récit est celui d’un homme débutant par la vente de la propriété de sa famille en campagne lors de son enfance, véritable cassure dont il ne se remettra jamais et qui le laissera comme coincé dans un passé qu’il ne veut plus quitter. Sa vie se résume ensuite à une succession de villes : Paris, Brest, Tours, Strasbourg, Lyon… sans qu’il ne s’y passe quoi que ce soit de notable, chaque tentative de prendre un nouveau départ échouant tristement, laissant place à un « certain romantisme de la mort », qui « consistait tout bonnement à ne pas croire en des jours meilleurs, dénicher dans le cours aléatoire de notre existence un paradis perdu, un éden qu’on camoufle ».

L’écriture, très centrée sur l’introspection du personnage et ainsi extrêmement dénuée d’action, laisse la part belle à la description, Marien Defalvard alliant une grande richesse lexicale à une grande précision en nous livrant un contour détaillé et des couleurs pour chaque ville traversée, chaque fois pour leur donner une atmosphère propre. L’accent porte ainsi sur le temps qui passe, face à ces grands paysages immortels qui ne changent pas, devant ces tranches de vies fugaces.

Son lectorat se divise assez radicalement entre ceux qui apprécient cette lente rêverie aux phrases longues et alambiquées et ceux qui n’y voient qu’un étalage lexical sans intérêt. Pour l’apprécier, il faut le considérer dans son ensemble, d’un seul tenant, et prendre une assez grande distance avec le récit volontairement lacunaire. Sachant à quoi m’attendre, j’ai donc apprécié ce premier roman de Marien Defalvard. Il reste néanmoins plusieurs crans en-dessous de son deuxième roman, « L’Architecture », dans lequel l’auteur a renforcé considérablement son style pour produire une histoire une nouvelle fois très creuse mais nettement plus puissante et profonde dans son ensemble pour s’approcher d’une longue prose poétique. Aussi, s’il faut lire un roman de Marien Defalvard, je recommande sans hésiter de s’attaquer malgré sa difficulté à « L’Architecture », et ensuite s’il vous aura plus que vous pourrez vous intéresser à « Du temps qu’on existait ».

Commentaire par Arnaud

Cela commence par un enterrement. Cela finit par un enterrement. Entre les deux, l’homme que l’on enterre prend la parole et raconte sa vie. Le récit commence dans les années 1970, où le narrateur est encore un enfant. Un fils de famille bourgeoise qui s’ennuie. Il combat cet ennui par des sarcasmes et des rêveries. Les années passent. Il promène à travers la France (Paris, Lyon, Brest, Tours), sa grande intelligence offusquée par la vulgarité des temps. Que l’on ne s’attende pas à des aventures picaresques : ce livre est l’étonnant récit d’une sensibilité, des premières amours adolescentes à la douceur des dernières heures, où le héros rencontre enfin la joie. Si la vie l’a oublié, le personnage n’a pas oublié de s’en moquer. Entre de grands passages mélancoliques où, avec toute sa virtuosité, le très jeune auteur décrit magnifiquement des paysages, des voyages en train ou la neige tombant sur Lyon, on trouvera des moments de satire, sur la vie de famille et les mères, par exemple, et de l’humour pur, comme la savoureuse description d’une partie de Monopoly. Un enchantement continuel.   Résumé du livre, ETF
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