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L’ ENRAGÉ

Un beau roman de colère et d'humanité.

L’histoire commence en octobre 1932, Jules Bonneau, dit "La Teigne", est enfermé depuis 5 ans avec d’autres d’enfants dans le centre d’éducation pénitentiaire de Belle-Ile-en-Mer, dans lequel on « mate » les voyous, mais où atterrissent aussi les enfants abandonnés ou les orphelins. Entre les murs de cette prison pour mineurs, règnent les brimades, les humiliations, la violence et l’exploitation économique des colons. C’est la loi du plus fort qui s’applique, du côté des adolescents, mais le plus souvent aussi du côté de l’administration, des surveillants, des matons, qui exercent une violence constante, souvent injustifiée.
Un ruban dans la poche comme seul souvenir de sa mère, La Teigne est un voyou, mais aussi un enfant abandonné, rempli d’une rage qu’il a du mal à contenir. Il prend sous son aile Loiseau, un orphelin malingre, surnommé "mademoiselle", victime de la cruauté des plus grands, qui abusent impunément de lui.
Le 27 août 1934 c’est la révolte : 56 "colons" s’évadent de la colonie pénitentiaire. Coincés sur une île, chassés comme du gibier par le personnel du centre, les gendarmes, mais aussi les habitants de la ville récompensés d’une pièce de vingt francs pour chaque fuyard récupéré, ils sont tous repris. Tous, sauf un : Jules Bonneau.
Saura-t-il se sauver et survivre ? S’inspirant de ce sombre fait divers, c’est dans la deuxième partie de l’histoire que Sorj Chalandon imagine la destinée de ce jeune bagnard que l’on dit noyé. Il entre dans la peau de son personnage pour déterrer ses propres sentiments, ceux d’un enfant maltraité dans sa jeunesse, c’est lui qui desserre les poings au fil des pages, afin de pouvoir accepter la main tendue par ces quelques adultes prêts à l’aider…

À travers ce récit, fresque historique et roman social, l’auteur nous plonge dans l’atmosphère confinée d’une île, où se côtoient dans l’âpreté insulaire mesquineries et grandeur d’âme. Il donne également naissance à des personnages secondaires forts et terriblement attachants, tout en rendant hommage aux courageux pêcheurs bretons. Il invite même à croiser le chemin d’un certain Jacques Prévert, qui immortalisa cette évasion, suivie d’une horrible battue, dans son poème intitulé « Chasse à l’enfant ». Il dessine également en toile de fond l’histoire de la France de l’entre-deux-guerres, marquée la montée des fascismes et l’esprit de résistance des Bretons.
Un livre sombre, mais prenant que je recommande vivement.

Commentaire par ANNICK

« Je n’ai pas le droit aux sentiments. Les sentiments c’est un océan, tu t’y noies. Pour survivre ici, il faut être en granit. Pas une plainte, pas une larme, pas un cri et aucun regret. Même lorsque tu as peur, même lorsque tu as faim, même lorsque tu as froid, même au seuil de la nuit cellulaire, lorsque l’obscurité dessine le souvenir de ta mère dans un recoin. Rester droit, sec, nuque raide. N’avoir que des poings au bout de tes bras. Tant pis pour les coups, les punitions, les insultes. S’évader les yeux ouverts et marcher victorieux dans le sang des autres, mon tapis rouge. Toujours préférer le loup à l’agneau. » Dans la nuit du 27 août 1934, cinquante-six gamins se révoltent et s’échappent de la colonie pénitentiaire pour mineurs de Belle-Île-en-Mer. Voici ouverte la chasse aux enfants. Tous sont capturés. Tous ? Non : aux premières lueurs de l’aube, un évadé manque à l’appel. Voici son histoire…   Résumé du livre, ETF
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