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2666

Chef-d’œuvre à l’écriture incomparable, 2666 est sans doute le roman le plus audacieux de Roberto Bolaño.

Constitué de cinq parties et totalisant environ 1350 pages dans son édition folio, 2666 est un long roman publié après la mort de son auteur Roberto Bolaño en 2003. Contrairement à ce que pourrait laisser penser son titre, 2666 n’est pas un roman de science-fiction se déroulant en l’année 2666, mais 5 récits entremêlés s’étirant du Mexique à l’Europe au XXe siècle. Aussi ce titre demeure une énigme irrésolue, alimentant plusieurs hypothèses : deuxième 666, référence à cette date un autre de ses livres...

Chaque partie est indépendante, les liens s’établissant au fur et à mesure pour former une vaste fresque gravitant autour de crimes en série à Santa Teresa dans l’état mexicain du Sonora. Autre centre de gravité du roman : un mystérieux auteur allemand à l’identité trouble et dénommé Benno von Archimboldi. Le roman débute par la Partie des critiques, où l’on suit 4 critiques littéraires (français, espagnol, italien et anglaise) qui ont consacré leurs vies aux œuvres d’Archimboldi et partent à la recherche de leur idole, ce qui les mène à Santa Teresa au Mexique.

Suit la Partie d’Amalfitano, professeur de philosophie à Santa Teresa, livrant le récit du départ de sa femme à la recherche d’un poète en Espagne en compagnie d’une amie prostituée. Progressivement, la folie gagne Amalfitano après qu’il a commencé à étendre un traité de géométrie dont il ignore la provenance sur un séchoir à linge pour qu’il s’imprègne de la réalité à mesure que le vent batte ses pages.

Ensuite, la Partie de Fate retrace le parcours d’un journaliste afro-américain voyageant à Santa Teresa pour couvrir un match de boxe. Profitant de l’ambiance nocturne festive de la ville, il rejoint un groupe d’amis, dont fait partie Rosa Amalfitano (la fille du professeur), qui côtoie le crime et la drogue, puis s’échappe d’une soirée douteuse pour repartir aux États-Unis accompagné de Rosa qu’il a très probablement sauvée.

Arrivent après ces 500 premières pages les choses sérieuses : la longue Partie des crimes et ses centaines de meurtres de femmes commis à Santa Teresa, certains étant signés d’un viol et d’une mort par fracture de l’os hyoïde (étranglement). Les policiers, Juan de Dios Martinez et Lalo Cura enquêtent sans succès, jusqu’à ce qu’ils arrêtent un certain Klaus Haas, informaticien d’origine allemande, qu’ils désignent comme étant la source du mal. Toutefois les crimes ne s’arrêtent pas.

Enfin vient l’ultime partie du roman, que l’on espère expliquer les quatre précédentes, la Partie d’Archimboldi. Nous voici de retour en Europe, en Prusse, où le jeune Hans Reiter se trouve mobilisé dans l’armée nazie sur le front de l’Est. Après avoir côtoyé l’horreur toute sa jeunesse, il prend le nom de plume de Benno von Archimboldi et écrit des livres à priori mauvais et sans intérêts, mais édités par une connaissance qui a pignon sur rue. Apprenant que son neveu a été fait prisonnier au Mexique, il décide de s’y rendre.

Chaque partie adopte un style différent et seuls le lieu et les personnages se recoupent, si bien que chacune peut être lue isolément et constitue un roman en soi. Ce que pense Archimboldi à un moment reflète assez fidèlement l’ensemble : « l’histoire, qui est une putain toute simple, n’a pas de moments déterminants mais est une prolifération d’instants, de brièvetés qui se disputent entre elles la palme de la monstruosité. », citation à laquelle il faut ajouter l’épigraphe citant Baudelaire : « Une oasis d’horreur dans un désert d’ennui ! ».

Du côté de l’ennui cela va, car malgré les 1350 pages l’écriture et l’intrigue gardent le lecteur en haleine : encore heureux puisque l’on reste sur sa faim à l’issue de la lecture, Robert Bolaño n’offrant pas de conclusion au récit, sans que l’on sache si cela est volontaire ou dû à son décès prématuré. Quant à l’horreur, elle semble être l’attracteur étrange vers lequel tous les personnages du roman convergent de façon inexplicable. Un roman particulièrement mystérieux donc, qui saura satisfaire les lecteurs patients et téméraires

Commentaire par Arnaud

Roberto Bolaño meurt en 2003, laissant en partie inachevé un roman « monstrueux », instantanément considéré comme le geste littéraire le plus marquant du début du siècle. On y retrouve, amplifiées, toutes les obsessions de son auteur : quatre universitaires partent à la recherche de Benno von Archimboldi, un mystérieux écrivain allemand dont l’oeuvre les fascine. Leur quête les mènera à Santa Teresa, ville mexicaine inspirée de Ciudad Juarez, où les féminicides déciment la population. Mais, comme toujours avec l’auteur des Détectives sauvages, le roman d’aventures est un trompe-l’oeil, une fausse piste lancée au lecteur pour l’amener vers un roman apocalyptique, où la condition humaine est habitée, voire rongée, par le Mal. Le texte oscille alors d’une énigme à l’autre, d’une découverte macabre à l’autre, s’enfonçant dans le désert, dans des territoires incertains entre le Mexique et l’Amérique, frontière qui cristallise et détruit les espoirs.   Résumé du livre, ETF
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