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Anthologie classique définie par Confucius

Ezra Pound voyait dans le confucianisme un véritable "code de la vie" et une possibilité de renouvellement pour l'Occident.

L’Anthologie classique définie par Confucius d’Ezra Pound n’est rien d’autre que le Shijing, c’est-à-dire le Canon des poèmes, ou encore Classique des vers, un des grands textes de l’antiquité chinoise infusant la pensée confucéenne depuis plusieurs millénaires. Il s’agit des plus anciens poèmes chinois, sélectionnés et mis dans ce recueil par Confucius aux alentours de – 500 avant J.-C.

Le style des poèmes est en lui-même assez déroutant et loin de ce que l’on a l’habitude de lire en Europe, davantage organisés comme une succession de tableaux sans lien direct et très « bruts » dans leur écriture, consistant en grande majorité en des leçons symboliques du « bien gouverner » à destination des futurs dirigeants. Le principal objet n’est pas le Shijing en lui-même, mais plutôt la traduction réalisée dans des conditions assez étonnantes par le poète américain et personnage haut en couleur Ezra Pound, renommé pour avoir rédigé des centaines de Cantos et guidé le poète anglais T.S. Eliot. En effet, c’est depuis l’asile psychiatrique américain St Elizabeth de Washington — détenu plus de 10 ans bien qu’en parfaite santé mentale pour éviter la chaise électrique pour trahison — qu’il a travaillé sur cette traduction à partir du texte original chinois, d’un dictionnaire et des traductions des sinologues anglais et français.

Il en résulte selon le traducteur français spécialiste d’Ezra Pound Jean-Paul Auxéméry, des inexactitudes sur certains passages, voire quelques inventions ou erreurs. Mais l’apport personnel d’Ezra Pound provient de sa traduction alliant tradition et modernité, travaillant sur la forme elle-même en ne s’arrêtant pas à une traduction de fond mais jouant sur les sonorités et les rimes visuelles, parfois allant jusqu’à s’inspirer de la forme visuelle des lettres chinoises pour sélectionner le meilleur mot. Bien sûr, le texte est ici en français, Jean-Paul Auxéméry ayant veillé à rester fidèle à cette empreinte poundienne sans trop déformer ni le Shijing, ni la traduction d’Ezra Pound, ni l’esprit animant une traduction « à la Pound ».

L’accent est donc mis sur cette traduction de traduction, exercice périlleux, plutôt réussi par Jean-Paul Auxéméry, qu’il résume ainsi : « Traduire Pound traduisant le chinois, c’est d’abord construire et aménager des échos — la « danse de l’intellect » se nourrit de ces réverbérations de sens, entre antique lyrisme et modernisme assumé, entre couplets de vieil ivoire et strophes chargées d’électricité ! ». Une grande quantité de notes (200 pages à la fin du livre après les 300 pages du corps du texte) expliquant à la fois le fond du poème, notamment le contexte historique des royaumes des Printemps et Automnes, et les choix de forme opérés par les traducteurs accompagnent presque chacun des 300 poèmes — ce qui laisse au lecteur deux façons d’aborder le texte, soit en lisant les notes après chaque poème, ce qui casse la lecture et paraît parfois redondant, soit en lisant sans les notes pour se laisser bercer par le rythme poundien des poèmes qui se succèdent sans que l’on comprenne concrètement le sens de ce que l’on lit.

Une lecture particulièrement difficile donc, probablement à reproduire plusieurs fois en se concentrant sur seulement un aspect parmi ceux faisant la richesse étonnante de ce livre : le contenu du poème, ou le contexte historique du poème, ou la traduction à la Pound, ou la traduction française de la traduction de Pound. Même avec une connaissance de l’histoire chinoise, d’Ezra Pound et de la difficulté du travail du traducteur, cela reste davantage un texte à étudier et travailler plus qu’à lire.

Commentaire par Arnaud

L'Anthologie classique (le Shijing) rassemble les 305 poèmes - chansons populaires, odes pour les cérémonies de cour, odes religieuses -, sélectionnés et ordonnés, selon la tradition, par Confucius (551-479 av. J.-C.), dont la doctrine politique et sociale fut érigée en religion d'Etat et marqua profondément la civilisation chinoise. Ezra Pound voyait dans le confucianisme un véritable "code de la vie" et une possibilité de renouvellement pour l'Occident. Après Les Entretiens de Confucius (ou Analectes), le poète américain traduit donc les odes confucéennes au temps de sa détention à l'hôpital St. Elizabeth's.   Résumé du livre, ETF
Ezra POUND
ECRIVAIN
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