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Triste tigre

Souvent qualifié de « livre inclassable»,Triste Neige est un roman entre le récit et l’essai, entre l’intime et les réflexions sociétales.

Quels commentaires écrire sur un livre qui a été encensé dès sa sortie et qui a reçu plusieurs prix prestigieux ? Simplement en joignant notre voix à celles de tous les critiques : c’est une œuvre puissante qui marque le lecteur.
Comment deviner que ce drôle de titre et ce nom d’écrivain peu banal parle d’un viol subi par une fillette de neuf ans à quatorze ans ? Pour son récit l’écrivaine, hésite entre le « je » et le « nous » puis opte pour la première personne car, comme elle le dit, tout le monde comprendra qu’il s’agit de sa propre histoire. Et elle raconte de la façon la plus sincère possible, hésitante, consciente de la complexité de de ce genre de narration, des difficultés à transcrire la vérité.

Elle a vécu dans les Hautes Alpes avec une sœur plus jeune et des parents bohèmes, un peu marginaux. Puis le couple se sépare et sa mère se marie avec un homme à forte personnalité, sportif, volontaire, apprécié de tous mais autoritaire, voulant imposer ses volontés à toute la famille, agrandie de deux autres enfants. Et quand elle atteint ses neuf ans, il commence à la violer. Il dira toujours que c’est pour se faire aimer d’elle, qui est rétive et refuse de l’appeler papa. Il prétend même que c’est grâce à cette expérience exceptionnelle qu’elle est une élève brillante. Elle subit en silence, grâce à une capacité de distanciation qui lui permet de faire abstraction de son corps et de son esprit. Elle craint en parlant, de faire exploser la famille, de mettre sa mère dans le dénuement car ils vivent de façon précaire et surtout elle veut protéger ses frères et sœurs.
Mais vers dix-sept ans, elle a le courage de tout avouer à sa mère et elles portent plainte toutes les deux. Chose rare, son beau-père reconnaît les faits et il est condamné. Elle a une quarantaine d’années lorsqu’elle publie cet ouvrage.

Ce livre ne veut pas être une confession, ni une œuvre littéraire mais un témoignage et une réflexion sur le martyre qu’elle a vécu. Elle essaie de comprendre le bourreau, affirmant que le viol n’est pas qu’une affaire de sexe mais de domination et elle réfléchit sur le mal. Hélas, pour elle, l’écriture ne délivre pas, n’est pas une thérapie. « On ne sort jamais complètement du cauchemar ». Elle estime de même que la prison n’est pas une rédemption pour les prédateurs.
On est admiratif devant l’intelligence, la lucidité, la culture de l’écrivaine qui fait beaucoup d’allusions à d’autres œuvres sur le même thème. On est surpris qu’elle puisse douter de la légitimité de sa plainte : puisqu’elle s’en est sortie, peut-elle se plaindre ? En tout cas le lecteur salue son courage et la qualité de son témoignage.

Commentaire par MALU

Dans cet ouvrage, l’auteure évoque son enfance et les viols dont elle fut victime de ses 7 ans à ses 14 ans, commis par son beau-père. Elle finira par porter plainte contre lui, à l’âge de 21 ans, et il sera condamné à 9 ans de prison. Mais Triste Tigre va au-délà du «simple »récit de cette histoire glaçante d'inceste. « Ce que j’essaie d’interroger, c’est pourquoi, moi victime et comme beaucoup de gens, on est fasciné par ceux qui commettent la violence que par ceux qui la subissent. Mon texte, c’est à la fois un récit et une exploration de tous ces questionnements-là. Ce questionnement est fondateur pour moi », avait expliqué Neige Sinno. « Pour se raconter, la narratrice doit interroger d’autres textes, d’autres histoires. Elle nous entraîne dans une relecture radicale de Lolita de Nabokov, ou de Virginia Woolf, et de nombreux autres textes sur l’inceste et le viol », indique sa maison d’édition.   Résumé du livre, ETF
Neige SINNO
ECRIVAIN
BIO
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