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Les incandescentes

Les légitimes revendications sociales et politiques des femmes devraient aller de pair avec la (re)découverte de grandes voix parfois occultées par le bruit. Au sommet de la pensée poétique, Simone Weil, Maria Zambrano et Cristina Campo revivent ainsi par la grâce d’un admirable triptyque d’Elisabeth Bart.

Cet essai d’Elisabeth Bart retrace avec une plume élégante les itinéraires philosophiques et poétiques de 3 flammes latines — María Zambrano l’espagnole, Simone Weil la française et Cristina Campo l’italienne — dont peu ont perçu la lueur dans un XXe siècle déchiré par la guerre et le développement de l’économie mondiale. Pourtant, l’auteur nous montre que ces trois auteurs nées à quelques décennies d’écart et aux destins différents, ont suivi des parcours semblables, communiquant mutuellement par lettres, aussi bien pour se soutenir que pour prendre des nouvelles, nourrissant ainsi leurs réflexions en commun et se traduisant dans leurs langues respectives.

Investissant à elles trois un large spectre de la littérature — essai, critique littéraire, poésie, philosophie notamment —, c’est non sans difficulté que Elisabeth Bart a réussi à développer sur leurs convergences, basculant de l’une à l’autre en remettant en perspective le contexte biographique de chacune. Les thèmes de l’exil (matériel comme spirituel), Antigone, la poésie perçue comme une autre raison (« l’aile pourpre de la parole ») ou encore saint Jean de la Croix sont assez longuement abordés ; aussi cela ne tient pas du hasard si l’auteur les résume ainsi en introduction « En elles, la lumière de l’intelligence passe à travers le vitrail coloré de la chair et du cœur, le logos ne se déploie pas dans la seule abstraction, n’abandonne jamais la vie charnelle, la raison assume l’irrationnel en le subsumant ».

L’ensemble fournit une bonne entrée en la matière pour celui qui serait intéressé par les œuvres de ces 3 auteurs, développant majoritairement sur les thèses explorées par María Zambrano, suffisamment sur les exceptionnels Les Impardonnables et Le Tigre Absence de Cristina Campo (les deux seuls livres qu’elle a publiés en dehors de ses lettres) et plus légèrement sur Simone Weil qu’il a semblé difficile d’exhausser au rang des deux autres. Une exploration assez complète qui bien qu’étant sous la forme d’un essai nous éloigne de notre époque dominée par l’économie, le numérique et la science en décrivant une autre approche laissée de côté : poétique, spirituelle et liturgique, « splendeur gratuite, gaspillage délicat, plus nécessaire que l’utile ».

Commentaire par Arnaud

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